41e Concept      GÉRER C’EST PRÉVOIR ALORS ANTICIPER PLUTÔT QUE RÉAGIR

Un écosystème coopératif territorial c’est comme une entreprise, mais à l’échelle d’un écolieu. Sa surface va de quelques hectares comme notre quartier rural jusqu’à plus de 283 000 ha comme la surface de notre territoire de vie expérimental, un cercle de 30 km de rayon autour de Tournon d’Agenais.

Pourquoi 30 km ? En cas d’effondrement, il doit être possible tout ce qui est nécessaire à la vie en faisant moins d’une demi-journée de vélo ou une grosse journée à pied. C’est un peu votre « assurance incendie » !

Au-delà de ce dimensionnement, anticiper, suivre vos flux de recettes, de dépenses, et vos engagements est vital. C’est le rôle de votre prévisionnel et de votre budget. Aussi vital sera de savoir qui, comment et avec l’autorisation de qui peut dépenser ce budget sinon vous perdrez du contrôle et de l’argent. Enfin, vous n’encaisserez pas immédiatement l’argent de vos productions vendues, surtout vendues à une entreprise ou une collectivité. Inversement si votre fournisseur vous accorde un délai de paiement, vous ne paierez pas vos achats immédiatement.

Il peut vous arriver de ne pas pouvoir payer vos factures si vous n’avez pas encaissé vos ventes. Le suivi de votre trésorerie vous indiquera si vous pouvez engager une dépense ou à quel moment vous pourrez l’engager. Quatre documents complémentaires viendront remplir ces missions :

  1. Le prévisionnel : c’est sur une année, le classement par mois et par catégorie, les recettes et les dépenses que vous pensez engager.
  2. Le budget : c’est une partie du prévisionnel qui ne comprend que les recettes et les dépenses dont un engagement a été pris via un contrat, une convention, ou une commande. Il est mis à jour chaque semaine ou chaque mois avec la réalité des recettes et des dépenses engagées.
  3. Le processus d’engagement : c’est un document qui liste qui peut dépenser quelle somme dans une catégorie de dépenses et comment il peut engager une dépense prévue ou non au budget.
  4. La trésorerie : elle regroupe par mois et sur une durée d’un an (minimum 3 mois) ce qui sera encaissé, ce qui sera décaissé et le solde disponible pour de nouvelles dépenses ou bien le manque à encaisser pour payer les dépenses déjà engagées. Dans cas, il faudra aller chercher des financements complémentaires sinon gare aux impayés !

Je vais vous présenter ces quatre documents vitaux pour gérer durablement un écolieu qui veut être source de revenus d’autonomie pour ses habitants.

                          42e Concept      MONTER UN PRÉVISIONNEL CRÉDIBLE ET FLEXIBLE

Pour moi un prévisionnel est une carte la plus fidèle possible de la réalité économique que vous pensez rencontrer durant l’année devant vous. Vous ne devriez pas avoir besoin d’un prévisionnel réaliste pour vous et d’un irréaliste pour vos partenaires, sinon ce n’est pas coopérer ! Votre prévisionnel vous donne un cap, une direction. À vous de mesurer l’écart entre le réel que vous vivez et celui que vous aviez imaginé à partir de l’expérience que vous avez de vos activités. À vous de l’adapter en fonction de ce qui se présente à vous : soit il est possible de changer votre organisation pour tenir ce prévisionnel, soit il vous faudra l’adapter à la réalité de ce qu’elle peut produire. Le secret : changez ce que vous pouvez changer, acceptez ce que vous ne pouvez pas « encore » changer » et sachez faire la différence entre les deux.

Il existe deux types de prévisionnels : L’un estime le niveau de vos dépenses et de recettes pour l’année ou le mois qui vient. On l’appelle “prévisionnel d’exploitation”. L’autre, “le plan de financement” estime pour l’année vos besoins d’investissements, le rythme de vos encaissements et de vos décaissements. Il prévoit votre trésorerie et vos besoins de financement.

Le prévisionnel d’exploitation se présente comme un compte d’exploitation dans lequel vous allez saisir les dépenses et les recettes que vous pensez raisonnablement engager sur l’année à venir. Il peut se présenter sous la forme d’un tableau synthétique à un an ou bien détaillé mensuellement (ce que je vous conseille).

Le plan de financement se présente comme un bilan, mais au lieu d’y saisir uniquement les ressources et les emplois de votre patrimoine actuel, vous allez y inscrire aussi à la fin de l’année en cours les nouveaux emplois (investissements…) que vous allez acquérir et les ressources qui les financeront.

Vous y prévoirez aussi le flux de vos encaissements et de décaissement afin d’estimer éventuellement vos besoins de financement et les ressources qui les financeront. Il peut aussi se présenter sous la forme d’un tableau synthétique à un an ou bien détaillé au mois le mois (ce que je vous conseille).

Dans la partie VI « ALLER PLUS LOIN », je vous donne un lien vers un logiciel en ligne gratuit pour réaliser de vrais prévisionnels simples et professionnels sur plusieurs années. Vous pourrez faire des simulations en fonction de vos espérances de recettes et du niveau de vos dépenses ainsi que des simulations de l’impact de vos investissements sur vos besoins de financement.  

                          43e Concept      BÂTIR UN BUDGET ET CATÉGORISER VOS DÉPENSES

Si le prévisionnel ou le plan de financement est une carte qui représente ce que vous pensez rencontrer sur le plan économique ou financier dans l’année à venir, le budget lui, est plutôt une vue d’avion de ce qui est sûr (à 99%) que vous rencontrerez, puisqu’il ne va reprendre que vos dépenses et vos recettes déjà engagées via des contrats, des conventions ou des commandes signées.

Il se présente comme un prévisionnel d’exploitation ou un plan de financement desquels vous aurez sorti tout ce qui n’est pas sûr à 99%.

L’idéal est de faire un budget dépenses/recettes emplois/ressources par activité et si vous avez plusieurs structures, par structure. Il doit permettre à chaque référent de cercle d’activités de savoir quel est son budget de dépenses et de recettes au mois le mois.

En lui ajoutant une colonne « réalisées » à côté de la colonne « prévues » vous pourrez savoir si l’activité ou la structure est « en retard » ou « en avance » sur vos prévisions. Pour que ce tableau remplisse convenablement son rôle, vous mettrez à jour vos budgets au mois ou à la semaine (ce que je vous conseille). Pour se faire, il vous faudra saisir vos dépenses et vos recettes au minimum à la semaine de façon à ce que, chaque semaine, vous puissiez savoir où vous en êtes :

Chaque semaine, ou chaque mois, faites un point avec les référents des cercles d’activités ou des structures sur l’état d’avancement de leur budget respectif, les réductions budgétaires s’il y a lieu, et les décisions d’engagement des dépenses en fonction de la réalité des budgets en cours. Cela vous donnera aussi une vision plus claire pour répondre aux questions qui ne manqueront pas de se poser, du type : « Peut-on embaucher dans cette activité ? Peut-on investir dans cette structure ?… ». Un budget à jour, je vous l’assure, c’est moins de stress et plus de pleine présence !

                          44e Concept      FORMALISER UN PROCESSUS D’ENGAGEMENT DE DÉPENSES

Si vous voulez créer ou rejoindre un écolieu source de revenus pour ses habitants, clarifiez dès le début votre processus d’engagement des dépenses.

Cela veut dire que, s’il n’en existe pas déjà une, commencer par créer une association. Vos recettes et vos dépenses passeront par elle.

Si elle n’a pas encore de ressources financières, faites-lui des dons défiscalisables (via un fonds de dotation par exemple), faites-lui des avances remboursables en fonds associatifs avec droit de reprise, trouvez-lui de petites subventions pour démarrer, mais ne faites tout cela qu’après avoir formalisé un prévisionnel, un budget par activité et un processus d’engagement des dépenses.

Un processus d’engagement des dépenses doit éclairer chaque membre de votre écolieu sur :

  • Est-ce que je peux engager une dépense dans cette activité / structure ?
  • À quelle catégorie de dépenses appartient-elle et quel est le budget restant dont je dispose maintenant pour cette catégorie de dépenses ?
  • Jusqu’à quel montant puis-je engager une dépense et, au-delà comment puis-je savoir si je peux l’engager tout de même ?
  • Comment puis-je engager une dépense qui n’était pas budgétisée ?
  • Auprès de qui / de quelle instance puis-je soumettre une dépense à venir, budgétisée ou non ?
  • En cas de conflit entre l’instance qui décide et moi, quelle autre instance légitime peut résoudre ce conflit ?
  • Au cas où je peux engager une dépense, comment et auprès de qui je peux savoir s’il reste la trésorerie nécessaire pour l’engager maintenant ou au pire, quand pourrais-je l’engager ?
  • Pendant tout ce processus d’engagement d’une dépense, chacun doit bien différencier les éléments suivants :
  • Dépenses prévues : elles sont au prévisionnel, mais pas budgétisées, car elles ne sont pas encore financées par une recette ou une ressource certaine.
  • Dépenses budgétisées : elles sont budgétisées, car nous avons un document signé qui atteste qu’elles sont bien financées via une ressource ou une recette. Avant de les réaliser, nous devrons vérifier quand la trésorerie sera disponible pour ordonner leur exécution.
  • Dépenses nouvelles : elles n’étaient ni prévues ni budgétisées. Il faut donc les programmer soit en leur affectant un budget sur la trésorerie disponible, soit les programmer pour le prévisionnel de l’année suivante. 

                          45e Concept      SE REPRÉSENTER VOTRE TRÉSORERIE À AU MOINS 3 MOIS

Si votre prévisionnel vous permet de faire des hypothèses sur votre avenir, que votre budget vous permet d’anticiper et de suivre vos dépenses et vos recettes engagées, que le processus d’engagement des dépenses vous permet de garder le contrôle sur vos dépenses courantes et de répondre en conscience aux imprévus, la gestion de votre trésorerie vous permet de prendre conscience de la réalité physique de vos encaissements et vos décaissements engagés.

Ce n’est pas parce que vous avez signé une subvention de 20 000 EUR que vous allez avoir 20 000 EUR sur votre compte en banque le jour même. Ce n’est pas parce qu’un fournisseur vous envoie une facture que vous allez le payer dans la seconde. Une bonne gestion de trésorerie vous permet de répondre aux questions : « Puis-je faire cet achat, maintenant ? Dans trois mois, serais-je en mesure de payer mes cotisations sociales ? Combien pourrais-je investir dans mon prochain véhicule partagé ? ».

Un bon plan de trésorerie est construit de la façon suivante : tout d’abord je commence par faire un état du ou des soldes bancaires à ce jour de mon écolieu, puis :

  • Pour les recettes : j’y ajoute les chèques à encaisser que j’ai à ma disposition et que je vais déposer, puis les virements récurrents ou connus dont nous sommes bénéficiaires et enfin les recettes engagées à encaisser dont je suis certain.
  • Pour les dépenses : j’enlève les chèques émis non encore décaissés puis les prélèvements récurrents ou connus qui vont arriver à échéance et enfin les dépenses engagées à décaisser dont je suis certain.
  • L’idéal est de faire cela par mois au moins sur un trimestre. Puis, l’idéal est de le faire sur un an. Vous pourrez le présenter sur un tableau de la façon suivante :