36e Concept      FAIRE L’INVENTAIRE DE VOS BESOINS ET DE VOTRE PATRIMOINE

Avant de créer ou rejoindre un écolieu, formalisez votre patrimoine des communs productifs ; évaluez en monnaie le patrimoine naturel, le patrimoine humain et le patrimoine productif dont vous aurez besoin et évaluez le coût en monnaie pour leur maintien, leur renouvellement voire leur extension si nécessaire. Pour faire tourner les activités de vos habitants, de vos entreprises et de vos collectivités, vous aurez besoin d’anticiper les investissements dont elles auront besoin pour produire et échanger leur production dans le respect des humains et de la nature. Évaluez le coût de leur entretien, de leur usure dans le temps et les provisions que vous mettrez de côté pour y faire face, car elles ne manqueront pas de se présenter plus tard. Combien d’écolieux ont investi dans un terrain et des bâtiments sans évaluer que plus tard il faudrait changer la toiture, remplacer la chaudière ou toute autre machine devenue obsolète ? Le réveil sera difficile. Si les coûts de remplacement sont trop importants, ce sera la mort financière de l’écolieu.

C’est pour cela qu’il est essentiel de tenir à jour un document qui recense les ressources qui financent les emplois (attention, on parle là de la façon dont vous avez investi vos ressources, la façon dont vous les avez employées) de votre écolieu ainsi que leur dépréciation dans le temps.

Ce document recensera aussi la stabilité des ressources qui financent ces emplois. Il est différent de financer un bâtiment par un don de 300 000 EUR plutôt que de devoir 15 ans plus tard financer la réfection de sa toiture d’une valeur de 30 000 EUR par une trésorerie que l’on n’a pas. Le don d’un bâtiment ou d’une machine peut devenir une charge quelques années plus tard ; “les roses ont des épines”.

C’est le bilan qui fait l’inventaire de tout votre patrimoine à ce jour. Il est composé de deux parties ; l’inventaire de tout ce que votre écolieu possède du plus solide, fixe et durable comme un terrain, un bâtiment ou une machine, à ce qui est le plus liquide, variable et impermanent comme la monnaie dans votre caisse, dans un compte en banque, un compte épargne, des titres financiers voire l’argent que vous doivent vos clients, vos habitants ou vos usagers. C’est ce que l’on regroupe dans un bilan sous le nom d’ACTIF (emploi). Et puis il y aura un deuxième inventaire dans le bilan que l’on nomme « PASSIF » (ressource). Il liste comment cet ACTIF a été financé, depuis les ressources propres à votre écolieu, comme l’argent financé par les apports de ses associés, de ses adhérents ou de ses bénéfices jusqu’aux dettes que vous devez à vos fournisseurs, vos banquiers ou vos investisseurs privés ou publics. 

37e Concept      COMPRENDRE COMMENT EMPLOYER VOS RESSOURCES ET LES PRIORISER

Comment formalise-t-on l’inventaire d’un écolieu existant ou à créer ? En listant tout ce qui est nécessaire à son bon fonctionnement en commençant par ce qui est le plus solide, fixe durable jusqu’à ce qui est le plus liquide  :

Veillez dans cet inventaire à estimer la vitesse à laquelle se déprécient les éléments de votre patrimoine : par exemple, aucune pour les terrains, 30 ans et plus pour un bâtiment, 15 ans pour des aménagements, 7 ans pour du matériel de production, 5 ans pour des véhicules… Je vous invite à vous rapprocher d’un expert-comptable pour mieux estimer ces durées.

Ce qu’il vous faut retenir, c’est qu’une fois ces éléments listés, vous aurez besoin d’estimer combien vous devez provisionner pour faire face à leur entretien, leur réparation ou leur renouvellement.

Ces provisions sont les « amortissements ». Ils seront inscrits dans votre compte d’exploitation comme une dépense même si vous n’aurez pas à la dépenser tout de suite.

Ces provisions se cumuleront dans le temps et, avec vos résultats bénéficiaires constitueront votre trésorerie que vous pourrez ensuite investir comme bon vous semble. Souvenez-vous c’est ce que nous avons appelé « Capacité d’autofinancement » dans nos Soldes Intermédiaires de Gestion (S.I.G.). Ne la sous-estimez pas !

38e Concept      IDENTIFIER VOS RESSOURCES ET LA SOURCE DE VOS FINANCEMENTS

Comme vous avez fait le bilan de vos actifs ou emplois de votre patrimoine, vous devez faire un inventaire des ressources (passif) qui vous ont permis de les financer. En effet, il est différent sur le plan du patrimoine d’acquérir une ferme et son terrain d’une valeur de 300 000 EUR par le don d’un donateur plutôt que de l’acquérir par le biais d’un emprunt bancaire sur 10 ans à 2%. Dans le premier cas, il s’agit des fonds propres à votre écosystème, de l’autre il s’agit d’une dette que vous devrez rembourser tous les mois pendant dix ans.

Dans le premier cas, vous créerez une recette d’investissements et une dépense d’amortissements (vieillissement de la ferme), dans le deuxième cas, non seulement il n’y aura aucune recette supplémentaire, mais vous créez en plus des dépenses d’amortissements, des frais financiers (les intérêts du prêt), mais aussi un remboursement du capital de l’emprunt sur votre capacité d’autofinancement qui diminuera chaque mois si vous ne créez pas une recette nouvelle qui pourra compenser ce remboursement.

Donc, faire l’inventaire de vos ressources est au moins aussi important que de suivre l’usure de vos emplois aussi appelés “actif”. Généralement on commence par lister les ressources qui sont stables, durables et propriété de l’entreprise :

Si vous créez ou rejoignez un écolieu source de revenus pour ses habitants, ses entreprises et ses collectivités, financez vos emplois, vos actifs au maximum avec vos fonds propres répartis équitablement entre des dons défiscalisables, des subventions publiques et des investisseurs privés.

Un jour votre capacité d’autofinancement sera une nouvelle source à vos fonds propres qui pourront ainsi financer votre développement et celui de nouveaux écolieux.

39e Concept      LIRE UN BILAN ET SURTOUT APPRENDRE À L’INTERPRÉTER

Vous serez surement amené à lire ou à réaliser des bilans et des comptes d’exploitation pour votre écolieu et ses structures. Je vous invite très fortement à investir dans votre patrimoine humain en faisant l’acquisition en interne de compétences minimales pour comprendre ce qui se joue dans ces deux documents fondamentaux.

Imaginez-vous conduire une voiture sur une route sinueuse de montagne en plein orage avec votre parebrise encrassé par la boue, sans rétroviseur, sans tableau de bord ou pire avec un tableau de bord qui vous donne de mauvaises informations sur votre vitesse, votre réserve d’énergie, la température du moteur, le niveau d’huile… Vous ne tiendriez pas longtemps, y compris si vous aviez un expert loin de vous qui pourrait, en l’appelant et s’il est disponible, vous donner de bonnes informations pour conduire au mieux cette voiture .

Ne jouez pas avec le feu. Dès le début, faites l’acquisition en interne de ces compétences et entourez-vous en plus d’un bon expert-comptable, idéalement avec une vision écosystémique de la comptabilité. Votre bilan annuel doit vous donner les informations suivantes ;

Créer ou rejoindre un projet d’écolieu en connaissant ou en sachant comment connaître la réponse à ces questions sera un gage de pérennité de votre projet et de confiance pour vos partenaires, quels qu’ils soient.

40e Concept      MONTER UN PLAN DE FINANCEMENT QUI TIENT LA ROUTE

Le bilan des emplois et des ressources d’un écolieu est une sorte de photo que l’on fait à la fin d’une période pour vérifier l’état de notre patrimoine. Généralement un an. Mais cela peut être fait à tout moment, parce que l’on a besoin de prendre une décision en termes d’investissement, de développement ou de choix stratégique.

Mais comment fait-on quand on crée un écolieu puisqu’à ce stade on ne peut pas faire un bilan sachant qu’il n’y a pas encore de patrimoine ? Mon conseil est d’établir un plan de financement. C’est-à-dire on va imaginer ce que serait idéalement le patrimoine dont on aurait besoin pour notre écolieu. Pour réaliser ce plan de financement, il vous faudra vous poser quatre questions essentielles sous peine de sous-dimensionner ou sur dimensionner votre plan de financement :

  1. Quel est votre projet social ? Quelles expériences voulez-vous vivre à 10 ans, 3 ans, à la fin de l’année, à 90 jours ? Vous devrez le faire pour chacun de vous et formaliser un projet social collectif comprenant ce sur quoi vous êtes d’accord, ce sur quoi vous n’êtes pas d’accord et ce qui reste en débat. C’est ce que nous avons vu au début de ce guide.
  2. Quel est votre programme ? Où voulez-vous vivre ces expériences ? Dans quels espaces naturels, bâtiments, reliés par quelles voies de circulation. Ces espaces seront-ils privés, publics, privatisables (une salle publique affectée ponctuellement à une personne ou une activité) ? Faites la liste de ces investissements et de leurs ressources. Par exemple, une maison privative pourra être financée par son usager alors qu’une salle commune pourra être financée par une fondation. La dépréciation de ces biens pourra être affectée à tels usager, activités, ou structures en fonction de clés de répartition collectives.
  3. Quelles sont vos activités ? Une fois formalisés le projet social et le programme, vous formalisez les activités qui vont être conduites dans ces espaces. Quelles seront les activités marchandes (rentrées d’argent pour l’écolieu), les activités non marchandes (choisies par chacun qu’il faudra financer) et les activités au service de vos communs (que chacun devra porter qu’elles soient marchandes ou non) ?
  4. Quelle sera votre gouvernance ? Maintenant que vous avez un projet social commun, un programme d’investissement cohérent, des activités individuelles et collectives qui s’y déploient, il ne vous reste plus qu’à formaliser à qui appartient quoi et pourquoi ? Qui a le pouvoir sur quoi et pourquoi ? Ces choix conditionneront les structures juridiques (voir étape 12) et leur plan de financement respectif.