ENTREPRENDRE AU SERVICE DES COMMUNS

En droit français l’entreprise n’existe pas. Seule existe la société de capitaux. Elle doit réunir, préserver, faire croître un capital financier. Il existe plusieurs formes de sociétés qui vont se différencier par la répartition des bénéfices, le statut de leurs associés, sociétaires, actionnaires, leurs obligations de réserves comme les Sociétés Anonymes (SA), les Sociétés par Actions Simplifiés (SAS), les Sociétés Civiles Immobilières (SCI), les coopératives…

Mais si vous voulez créer une entreprise, dont la mission est de faire croître la biodiversité, l’accès au renouvellement des communs, le partage de connaissances, la défense des droits humains, alors c’est le vide juridique.

Il vous faut choisir un camp, celui de la société civile et du secteur non marchand, avec ses associations à but non lucratif, ses fondations, ses fonds de dotation, celui du secteur privé, marchand avec ses sociétés de capitaux ou bien le camp du secteur public avec ses institutions publiques, ses collectivités territoriales. L’hybridation de ces trois secteurs est impossible.

Entreprendre au service des communs demande une coopération entre ces trois secteurs. Au-delà des investissements, des subventions ou des dons, réfléchissez à comment utiliser les spécificités de chaque secteur au bon moment et de quelle coopération vous aurez besoin pour les coordonner.

Réunir les spécificités de ces trois secteurs dans une seule et même structure juridique serait l’idéal pour un écosystème coopératif territorial. Il revitaliserait nos zones rurales avec bien plus d’efficience et de résilience qu’un consortium complexe de 6 structures pour faire le même job.

Ainsi, si vous voulez créer ou rejoindre un écolieu source de revenus pour ses habitants, ses entreprises et ses collectivités territoriales vous devrez utiliser les spécificités de ces 5 structures que nous avons listées dans l’étape 12 malgré la complexité qu’elles imposent pour travailler ensemble.

Malgré cette complexité nous serons un jour capables de revitaliser nos zones rurales là où les autres structures juridiques auront échoué. Nous le ferons dix fois plus vite avec une entreprise qui déploiera en son sein des activités liées à la société civile, au secteur privé et au secteur public. Ce sera la naissance de l’Entreprise à But Communal.

Elle pourra réunir en son sein, capitaux financiers, mais aussi capitaux naturels, humains et productifs. Elle pourra les préserver, les développer et les transmettre aux générations futures. Elle aura pour seule mission, au sein d’un écosystème coopératif territorial, de garantir à ses habitants l’accès à des productions relocalisées et vitales.

GÉRER L’INCERTITUDE DU RISQUE D’EFFONDREMENTS

Si vous voulez créer ou rejoindre un écolieu, vous allez entreprendre dans l’incertitude et savoir la gérer sera essentiel. J’ai été coach et formateur en gestion du stress et des émotions. Je connais donc bien sa nature ; ne rien faire est ce qu’il y a de mieux à faire, car notre corps est câblé pour revenir au calme si on lui fout la paix ! Les Traditions contemplatives et méditatives, confirmées par les Neurosciences, l’enseignent depuis des millénaires. Attention ! Il n’y a pas de baguette magique. Les résultats sont proportionnels à votre entraînement, mais le jeu en vaut la chandelle !

Apprendre à vous libérer du stress est une compétence fondamentale pour créer ou rejoindre un écolieu. Je ne peux pas vous transmettre 15 ans de gestion du stress, en une page. Mais je peux vous faire prendre conscience de deux étapes de sa spirale et de deux puissantes astuces pour déloger ces émotions qui vous submergent. Si vous voulez aller plus loin : formation.transition.coop.

La spirale du stress commence par un changement de respiration. Toute émotion stressante commence par une tension de votre diaphragme  qui modifie votre respiration la forçant à être plus haute (en haut de vos poumons) et moins ample. Cela envoie un message à votre corps : « tu risques de mourir ». Ce qui je vous l’accorde est souvent un peu excessif. 😊

Une seule chose à faire, prêtez attention à votre respiration, ressentez le passage de l’air dans vos narines, respirez par le ventre en le gonflant comme un ballon et tournez vos sens vers la pleine présence de ce qui est ici et maintenant. Cela déloge 80% des manifestations du stress.

Si vous n’y arrivez pas, c’est que c’est déjà tard. Votre stress a provoqué des tensions musculaires. Vous être prêt à attaquer le déclencheur, le fuir ou si vous pensez que plus rien n’est possible, vous êtes dans la sidération, en attendant votre « mort » symbolique, comme un lapin tétanisé sous un aigle.

Une seule chose à faire, prenez conscience de vos tensions musculaires. Toute émotion stressante va, de par sa nature profonde, se traduire par un système de tensions dans votre corps.

Prendre conscience de ces tensions et s’entraîner à les détendre sera donc vital dans la gestion de votre stress. Un moyen très simple et rapide est de changer de posture, ce qui change de système de tensions et donc change, après quelques minutes de délai, vos émotions. 

FAIRE ÉMERGER UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE

Lors des weekends « Découvertes » que nous réalisons à l’écosystème coopératif territorial TERA, nous passons 1h30 à jouer au « jeu du modèle économique ». Il s’agit de faire vivre en 1h30 à nos visiteurs ce que nous allons vivre en dix ans. Alors que dans cette société du « zapping » tout doit arriver dans l’instant, où l’on passe du rire aux larmes en une seconde, où l’on zappe d’un être humain à un autre aussi vite que nos pouces cliquent sur le clavier de notre smartphone, nous à TERA nous proposons de projeter une série d’actions, d’activités sur… 10 ans. 120 mois. 3600 jours. 86 400 heures. 5 184 000 minutes. 311 040 000 secondes. Oui je sais, c’est long.

Il s’agit moins d’agir que de changer sa posture. Ce qui arrive devant nous ne va pas s’accorder à nos préférences personnelles. Ce n’est pas au doigt mouillé, en vérifiant si cela est compatible avec notre état interne, que nous allons faire face aux enjeux climatiques, écologiques, sociaux, économiques, financiers et même personnels.

Si vous le croyez encore, je vous invite à bien vérifier que toutes vos parties de vous-mêmes sont alignées avec votre décision de créer un écolieu source de revenus pour ses habitants, ses entreprises et ses collectivités territoriales. Car si vous n’êtes pas alignés, pour ce défi que vous vous lancez, vous allez vouloir précipiter les choses pour qu’elles arrivent plus vites, car vous craindrez les effondrements à venir et vos décisions viendront de cette peur. Cela vous conduira à vouloir tirer sur les feuilles d’un arbre pour le faire pousser.

Comme le disent mes ami⋅e⋅s permaculteur⋅ice⋅s : « Ce n’est pas le jardinier qui fait pousser la plante, elle sait très bien pousser toute seule. Son rôle est de prendre soin du sol, de la plante et de son environnement ».

Il en est de même d’un modèle économique. Les humains savent très bien ce qui est bon pour eux. Lorsqu’ils sont au calme, confiant, ils savent très bien ce que veut dire coopérer entre eux pour faire émerger l’abondance à partir de la rareté. Votre job, ce n’est donc pas de forcer les échanges locaux, forcer les ventes, faire pression sur vos fournisseurs, sur vos salariés, sur la nature, mais :

Créer les conditions matérielles et immatérielles pour que chacun puisse expérimenter le chemin de son propre bonheur dans le respect des humains et de la nature.

Pour y arriver vous aurez besoin de patience, de faire un maximum d’erreurs en un minimum de temps, d’apprendre et de vous ajuster, puis recommencer encore et encore jusqu’à ce qu’émerge comme par magie le modèle économique de votre écolieu capable à terme de financer d’autres écolieux. 

TRANSITIONNER SANS S’ISOLER : RENDRE DÉSIRABLE LE NÉCESSAIRE

Lors de mon premier tour de France en 2013, ce qui m’a le plus étonné c’est le niveau d’isolement de celles et ceux qui avaient décidé de changer de vie pour changer la vie. C’est vrai qu’ils avaient aligné leurs comportements à leurs valeurs, mais ils s’étaient retrouvés seuls, très seuls.

Souvent incompris de leur famille, de leurs collègues, de leurs amis, ils s’étaient retrouvés dans des milieux plutôt hostiles à devoir toujours s’expliquer, à défendre ce qu’ils voulaient faire dans ces territoires où trop souvent la peur de l’autre, le désir de voir d’anciens modèles de vie se prolonger éternellement, ne facilite pas les innovations de rupture pourtant nécessaires aux temps nouveaux.

Je dis souvent que dans certains écolieux il faut être « poilus et musclés » pour les rejoindre, s’y engager et surtout y rester. J’ai qu’il n’y ait pas beaucoup de « poilus et de musclés » capables de vivre dans une sobriété heureuse, voire subie.

Si nous voulons toucher les millions de citoyens qui sentent bien qu’il faut faire quelque chose, mais qui n’ont pas l’âme de héros pour tout sacrifier à cette transition, il faut baisser la pente qui monte vers cette transition. Il faut la rendre accessible au plus grand nombre :

Il nous faut rendre désirable ce qui est nécessaire.

Je dis souvent à mes ami⋅e⋅s que nous devons rendre les écolieux accessibles à la classe moyenne. Souvent je prends pour exemple ma mère de 83 ans. Si elle peut habiter dans notre écolieu, alors nous avons gagné ! J’ai essayé plusieurs fois de la convaincre de me rejoindre dans ma future maison autonome, nourricière, écologique et recyclable. Cela a toujours été non. Pourtant, je ne veux pas voir partir ma mère en maison de retraite. Je veux, comme elle l’a fait pour sa mère, l’accompagner jusqu’à la fin de ses jours.

Alors j’ai continué à lui montrer nos progrès, le permis d’aménager de notre quartier rural, une version en 3D de ma future maison. Et puis un jour, elle m’a dit : « Oh c’est joli ! pourquoi pas après tout ! ». Elle ne sait pas la joie qu’elle m’a provoquée. J’avais, nous avions, rendu désirable le nécessaire.

Je me dis que si chaque écolieu travaille à rendre désirable le nécessaire, si nous sortons de l’écologie Thanatos et que nous allons, enthousiaste, vers une écologie Éros, comme le dit mon ami Patrick Viveret, alors il y a des chances que nous ne soyons plus jamais seuls, mais que nous soyons accompagnés par des milliers, des millions de citoyens qui voudront eux aussi entrer en transition maintenant.

SE FAIRE ACCOMPAGNER MÊME SI L’ON SE CROIT SANS BESOIN

Un dernier point me semble important si vous voulez créer ou rejoindre un écolieu source de revenus pour ses habitants, ses entreprises et ses collectivités territoriales, c’est la question de l’accompagnement. Malgré l’expérience que j’ai acquise dans ma vie en termes d’entrepreneuriat, de management, de gestion du stress et des émotions, je n’aurais jamais lancé un tel projet sans me faire accompagner.

Dès le départ de ce projet, dès 2014 nous avons souhaité nous faire accompagner par un conseil scientifique, nous avons souhaité nous faire accompagner par celles et ceux qui maitrisent la facilitation, la Communication Non Violente, la gestion par consentement, la gestion de conflit, l‘urbanisme, la maîtrise d’œuvre, l’Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération, la médiation, l’ingénierie et la structuration financière, l’aspect juridique et patrimonial des habitats partagés.

Même si vous vous sentez à la hauteur, même si vous avez parmi vous des experts de tout poil, même si vous avez derrière vous des années d’expérience voire même, des centaines d’heures de formation sur toutes les techniques pour gérer un collectif, garder un peu de votre financement pour vous faire accompagner.

Trop souvent nous nous croyons à l’abri des biais provoqués par notre engagement dans notre projet. Jamais je n’aurais pu moi-même accompagner mon propre projet, gérer les médiations et les conflits qui s’y sont déroulés. Je connais des personnes sources de magnifiques écolieux qui ont fait les frais de cette incapacité à se faire accompagner et se « déboiter » de leur rôle de personne « source », de fondateur ou d’initiateur de leur propre projet.

Il existe aujourd’hui des formations, de accompagnateurs pour créer ou rejoindre un écolieu. Profitez de leurs expertises. Savourer ces moments privilégiés où vous pourrez vous reposer sur quelqu’un d’autre que vous. Où vous pourrez vraiment dire ce que vous pensez, sentez. Où vous pourrez vraiment dire si vous d’accord, pas d’accord voire dans la confusion.

Un écolieu n’est pas fait que de bois, de pierre et de verre. Il n’est pas fait non plus que de méthodes, de techniques et des réglementations. Ce qui fait la force d’un groupe, ce qui fait ses fondations, ce qui fait que ce groupe va traverser les épreuves qui ne manqueront pas de fleurir sur sa route, c’est d’apprendre à vivre avec les différences de ses membres, leurs fragilités, leurs faiblesses et voir que malgré cela ils ont pu ensemble surmonter ces épreuves qu’aucun d’eux n’avait anticipées, pour un jour, grâce à chacun, tous ensemble : HABITER LE PRÉSENT.