PARTIE V.   TRANSITIONNER SANS S’ISOLER

Étape N° 12 :  Bien choisir la structure juridique de son écosystème

 

56e Concept L’ASSOCIATION À BUT NON LUCRATIF (ABNL)

Coopérer veut dire prendre en compte les enjeux de l’autre. Pour vous aider à coopérer, vous avez formalisé vos communs (ce sur quoi vous êtes tous d’accord) dans une Raison d’Être. Vous avez encadré vos activités d’utilité commune dans une charte opposable. Ce qui veut dire qu’elle vous sert au jour le jour à déterminer qui décide de quoi et dans quelles conditions. Autrement dit, qui est dans votre communauté politique, comment on y rentre, comment on y reste et comment on en sort. Reste maintenant à répartir le pouvoir entre ces parties prenantes dans des structures juridiques adaptées à leurs activités et faciliter les décisions. J’en vois au moins cinq essentielles.

Dès le début de votre projet je vous invite à créer une association à but non lucratif loi 1901. Elle est la gardienne des enjeux politiques de l’écosystème. Que vos statuts soient les plus simples possibles et que les membres fondateurs ne soient que les membres de votre « cercle cœur ». Les caractéristiques des membres de ce cercle cœur sont qu’ils partagent votre raison d’être et votre charte et que vos relations avec eux sont fluides… Très fluides. Quand je dis très fluide je veux dire qu’en cas de crise, vous passerez moins de temps à gérer ces relations qu’à vous occuper ensemble et harmonieusement à résoudre les problèmes rencontrés par votre projet !

Les statuts de votre association seront simples. Ils doivent refléter le mode de gouvernance que vous avez choisi. Personnellement je vous recommande la gestion par consentement et la sollicitation d’avis. Nous en reparlerons plus tard. Si un jour vous en appelez aux statuts pour trancher une décision c’est que votre projet sera à l’agonie ! Ce n’est pas les techniques, les méthodes, les règles qui font les groupes humains, même si elles y participent. Ce sont la connaissance de soi et la qualité des relations humaines qui font les règles, les méthodes et les techniques ! Donc pas de panique. Faites simple.

Ouvrez alors un compte en banque. Comptabilisez tous les mois vos dépenses, vos recettes. Chaque année, faites l’état de son patrimoine après affectation de vos bénéfices ou de vos déficits de l’année. Vous pourrez alors recevoir des dons défiscalisables si elle est reconnue d’utilité publique. C’est beaucoup de contraintes, je vous conseille plutôt de rejoindre un fonds de dotation (voir la section suivante). Dès que vous avez des activités marchandes (qu’une entreprise pourrait porter. Ex : repas, gîte…) je vous invite à créer une autre association qui portera ces activités marchandes et qui pourra ensuite très simplement se transformer en société Coopérative d’Intérêt Collectif (voir la 3e section).

57e Concept      LE FONDS DE DOTATION (FD)

« Le fonds de dotation est un organisme de mécénat destiné à réaliser, ou à aider un autre organisme à but non lucratif à réaliser une œuvre ou une mission d’intérêt général. La dotation initiale pour créer un fonds de dotation est fixée à 15 000 € minimum. »

Si vous voulez créer ou rejoindre un écolieu avec comme ambition qu’il soit source de revenus pour ses habitants, ses entreprises et ses collectivités territoriales, je vous invite dès le départ à créer ou rejoindre un fonds de dotation. Il va permettre à vous-même ou vos donateurs de défiscaliser 60% de vos dons si vous êtes une entreprise et 66% de vos dons si vous êtes un particulier. C’est un moyen formidable de remettre nos impôts encore plus au service des communs de nos territoires.

Si l’organisation gère, la MCL est une sorte de banque centrale relocalisée, le fonds de dotation est la relocalisation des services de redistribution de l’État. Je ne parle ici que des revenus de redistribution liés à la solidarité, pas des revenus assurantiels (chômage, maladie…), ni des revenus différés comme la retraite.

Dès que vous lancez votre 1re campagne pour financer les activités de votre écolieu, de votre écosystème coopératif, rejoignez un fonds de dotation afin de faire profiter cette défiscalisation à vous-même et à vos donateurs. Si votre campagne est bien menée, vous verrez vos dons croître au-delà de ce que vous auriez collecté sans votre alliance avec un fonds de dotation.

Une fois la production démarrée dans votre territoire de vie, une part de son excédent d’exploitation pourra être versé à ce fonds de dotation qui, une fois déduits ses frais de gestions (5% généralement) pourra financer des revenus d’autonomie à celles et ceux qui veulent revitaliser leur zone rurale par le fait d’habiter sur ce territoire de vie. Il pourra aussi financer des activités au service des communs, de l’environnement ou de la solidarité.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la création de fonds de dotation, vous pouvez vous adresser au Cercle français des Fondations et des Fonds de dotation. Notre Fonds de Dotation « Solidarité pour un Développement Humain » en fait partie.

Nous avons même signé la charte des fondations pour le climat. Si vous souhaitez entrer dans notre fonds de dotation et mutualiser la défiscalisation de vos dons, c’est possible sous réserve d’avoir rempli un bulletin de demande d’adhésion, d’avoir validé la défiscalisation possible de certaines de vos activités avec notre expert-comptable, d’avoir été admis par notre conseil d’administration.

Pour plus d’informations : sdh@riseup.net

58e Concept      LA SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE (SCI)

« Une société civile immobilière est une structure juridique constituée a minima de deux personnes, chacune ayant le statut d’associé, afin de gérer un ou plusieurs biens immobiliers. Le patrimoine immobilier est détenu par la société civile immobilière et chaque associé reçoit des parts sociales proportionnelles à son apport.

La société civile immobilière dispose de statuts, régissant son fonctionnement. Rédiger les statuts permet notamment de définir les modalités de prise de décision, à l’unanimité ou à la majorité par exemple.

Les associés d’une SCI désignent un gérant, qui aura comme fonction de prendre à sa charge la gestion courante du ou des biens immobiliers détenu(s) par la société, sans avoir à engager de formalités auprès des autres associés.

Dans un écosystème coopératif, la SCI a pour rôle de gérer le foncier bâti et non bâti à usage professionnel et lucratif. C’est-à-dire que son ou ses propriétaires louent leurs propriétés pour en tirer un revenu. Ils ne l’utilisent pas pour eux-mêmes. La propriété d’usage, c’est-à-dire les terrains et les bâtiments à usage d’habitation par leurs propriétaires, sera elle gérée par une coopérative d’habitants que nous verrons plus loin.

Utiliser une SCI permet de louer aux partenaires de votre écosystème les bâtiments dont ils auront besoin pour produire les biens et les services vitaux aux habitants-volontaires de votre écosystème. Ces revenus passifs (issu de votre capital pas de votre travail) pourront ensuite circuler dans l’écosystème sous forme de salaires, d’achats aux entreprises locales, mais aussi de dons défiscalisables au fonds de dotation pour financer les revenus d’autonomie du territoire et les activités aux services des communs et de la solidarité.

Il est ici important que vous compreniez que si vous voulez revitaliser votre territoire de vie, vous devez augmenter les stocks de monnaie (Patrimoine des Communs Productifs et Trésorerie) et leurs flux en MCL. Imaginez qu’une entreprise de l’écosystème soit propriétaire des bâtiments qu’elle occupe. Elle ne se verserait pas de loyer ! Donc il y aurait destruction du flux économique par cette propriété. Ce qui entraînerait une spirale à la baisse des échanges monétaires locaux. Donc un accroissement de la dépendance des acteurs locaux à ceux qui ont de la monnaie.

C’est justement ce que nous ne voulez pas. Vous, ce que vous voulez, c’est qu’il y ait plus de stocks de monnaie en circulation dans le territoire afin qu’il y ait plus de revenus pour ses habitants, ses entreprises et ses collectivités territoriales. Votre SCIC remplira cette fonction.

59e Concept      LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE D’HABITANTS (SCH)

« Les sociétés coopératives d’habitants ont pour objet de fournir à leurs associés la jouissance de logements et d’espaces partagés. Pour cela elles peuvent construire ou acquérir un immeuble ; elles assurent ensuite la gestion et l’entretien de l’immeuble. Un dispositif anti-spéculatif est prévu (prix de cession des parts sociales limité à leur montant nominal majoré sur l’IRL) et les sorties de la société sont encadrées afin de sécuriser l’équilibre financier de la société.

Ces sociétés sont autorisées à proposer des services aux tiers, le volume de ces activités étant toutefois encadré. Les associés coopérateurs doivent s’acquitter d’une redevance, afin notamment de rembourser l’emprunt contracté par la société pour la construction de l’immeuble.

Un contrat coopératif est conclu entre la société coopérative d’habitants et chaque associé coopérateur avant l’entrée en jouissance de ce dernier. À noter que des parts sociales en industrie, correspondant à un apport travail, peuvent être souscrites par les coopérateurs lors de la phase de construction ou de rénovation du projet immobilier ou lors de travaux de réhabilitation du bâti. Ces parts concourent à la formation du capital social. »

Dans un écosystème coopératif la SCH a pour rôle de gérer le foncier bâti et non bâti à usage d’habitation par leurs associés. C’est-à-dire que les associés usent des habitations que la SCH a financées.

Cela différencie le rôle d’investisseur qui apporte en capital et finance les constructions du rôle d’habitants qui va user du bien pour l’habiter. Il est possible qu’un citoyen porte les deux rôles ; il apportera des fonds en capital ou en comptes courants. Il sera rémunéré pour cela et sera remboursé (ou pas) dans un délai fixé à l’avance. Locataire, il paiera un loyer.

Ce montage permet en cas de décès d’un associé de léguer à ses ayants droit les parts sociales de la SCH qu’il possédait, mais de réserver la location du bien dont il avait l’usage à celles et ceux qui respecteront la charte écologique, sociale et économique de la SCH. Si c’est le cas, ses ayants droit pourront devenir locataires du bien, mais si ce n’est pas le cas, il sera loué à d’autres citoyens qui la respecteront.

Il est possible de faire entrer dans une SCH des citoyens peu fortunés qui n’ont pas les moyens de se faire construire un logement. L’apport sera donc fait par des investisseurs.

Les locataires, associés de la SCH, pourront prendre possession de ce logement et progressivement, racheter les parts ou rembourser les comptes courants des investisseurs, jusqu’à devenir à leur tour propriétaire des parts correspondantes à la valeur de leur logement et des communs.

60e Concept      LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE D’INTÉRÊT COLLECTIF (SCIC)

La société coopérative d’intérêt collectif est une entreprise coopérative constituée sous forme de SARL, SAS ou SA à capital variable qui, selon la loi de 2001 qui a institué les SCIC, a pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale ».

La SCIC est régie par le code de commerce, quel que soit son objet en raison de sa forme (SARL, SAS, SA ou SA). Elle peut concerner tous les secteurs d’activités, dès lors que l’intérêt collectif se justifie par un projet de territoire ou de filière d’activité impliquant un sociétariat hétérogène (multi sociétariat), le respect des règles coopératives (1 personne = 1 voix), et la gestion désintéressée (réinvestissement des excédents dans l’activité).

Elle se constitue un patrimoine propre. L’impartageabilité de ses réserves (c’est-à-dire l’impossibilité de les incorporer dans le capital social ou de les distribuer) préserve la SCIC d’une prise de contrôle majoritaire par les investisseurs extérieurs et garantit ainsi son indépendance et sa pérennité.

Dans un écosystème coopératif, le rôle de la SCIC est d’assurer aux habitants de son territoire l’accès à une production relocalisée et vitale dans le respect des humains et de la nature. Son utilité sociale est liée au fait que sa gouvernance est partagée au sein de plusieurs collèges qui chacun ont un certain nombre de voix décidé par ses statuts. Au sein de ces collèges se regroupent des catégories d’associés qui participent aux activités de la SCIC qui concrétisent son objet social et sa mission d’intérêts collectifs.

Le savant dosage des pouvoirs de chaque collège est essentiel pour que toutes les composantes qui contribuent à l’Intérêt Collectif se sentent représentées. Pour vous donner un exemple, dans les statuts de notre SCIC de forme anonyme « Quartier Rural en Transition à Lustrac », les habitants + les collectivités ou les producteurs, peuvent bloquer n’importe quelle décision.

Un autre exemple ; l’unanimité des collèges peut prendre n’importe quelle décision contre l’avis des habitants. Ce qui peut mettre fin à certaines dérives « sectaires » des habitants. Voici la répartition des voix de nos collèges :