51e Concept      TROUVER DES CAPITAUX PATIENTS AUX INTÉRÊTS MODÉRÉS

Si vous voulez financer un écolieu source de revenus pour ses habitants, ses entreprises et ses collectivités territoriales, alors votre enjeu est : trouver des capitaux patients à intérêts modérés.

Au début, la capacité d’autofinancement de votre écosystème coopératif territorial sera faible, voire négative. Comme pour un enfant qui a besoin du cordon ombilical de sa mère pour se nourrir, vous aurez besoin de financement extérieur pour nourrir son fonctionnement et ses investissements jusqu’à ce que les entreprises de votre écosystème dégagent un excédent lié à leurs activités.

Capitaux patients, car contrairement à une entreprise classique, qui en quelques années, trouve son seuil de rentabilité malgré le remboursement de prêts importants, votre écosystème, lui, mettra entre 10 et 15 ans pour le trouver. Pourquoi ? Car ces coûts sont plus importants du fait d’y avoir intégré les externalités négatives et positives de leurs activités.

Rembourser un prêt va financiariser votre modèle économique, car cela implique de rembourser chaque mois les intérêts et le capital emprunté. Imaginons que vous n’ayez qu’à payer tous les mois que les intérêts et que le remboursement du capital serait à rembourser dans 10 ans, 15 ans voire jamais ?

Imaginez que vous empruntiez 1 million d’euros avec un intérêt de 2% sur 10 ans pour financer votre écolieu. Avec un prêt, vous rembourseriez tous les mois à peu près 9 201 EUR dont 1 667 EUR d’intérêts et 7 535 EUR de capital. Alors qu’avec un apport en fonds propre vous n’auriez à rembourser que les intérêts tous les mois soit 1 667 EUR. Les 7 535 EUR de capital que vous n’auriez à rembourser qu’à terme, retourneraient au développement de vos activités en rémunérant 4 habitants-volontaires. Vous comprenez l’enjeu ? Trouvez des investisseurs qui acceptent d’être patients pour financer… des revenus d’activités sources de richesses durables pour nos territoires.

Je dis capitaux patients ET intérêts modérés. Autour de 2%, le coût de ces intérêts transfère la rémunération d’une personne aux marchés financiers. Avec un taux à 8%, c’est la rémunération de 4 personnes qui sont détruites sur le territoire. Or, nous savons aujourd’hui que pour revitaliser nos zones rurales nous devons financer le retour de personnes sur nos territoires de vie pour produire des biens et des services vitaux à leurs habitants. Chaque revenu compte.

La question est : où trouver des capitaux patients à intérêts modérés ?

52e Concept      FINANCER LES ENJEUX DE VOTRE TERRITOIRE AU-DELÀ DE VOTRE ÉCOLIEU

Si vous ne cherchez à financer que les activités privées de votre écolieu, vous ne trouverez pas d’investisseurs aux capitaux patients et aux intérêts modérés.

Si vous intégrez dans les activités de votre écolieu, la production de biens et de services utiles non seulement à vos habitants-volontaires de votre écolieu, mais aussi aux habitants, aux associations, aux entreprises, aux collectivités territoriales de votre territoire de vie, alors là, vous allez peut-être y arriver.

C’est pour cela que nous parlons d’écosystème coopératif territorial et non plus d’écovillage.

Il ne s’agit pas de trouver un lieu, s’y installer, y produire ce dont on a besoin pour vivre, mais de faire entrer en transition tout un territoire, y relocaliser une production durable et vitale à ses habitants.

C’est à cette condition que vous allez pouvoir collecter (nous en avons discuté à l’Étape n° 02) des dons défiscalisés, des subventions d’exploitation et des capitaux patients aux intérêts modérés.

Parce que votre vision sera plus ample, elle prendra en compte les parties prenantes de votre territoire, elle prendra en compte leurs enjeux et par conséquent ces mêmes parties prenantes prendront également en compte vos propres enjeux.

En coconstruisant cette vision avec les acteurs locaux et pas seulement, les habitants-volontaires de votre écolieu, vous allez nourrir vos propres enjeux, et ceux de tout votre territoire de vie. Posez-vous les questions suivantes :

  1. Mes activités contribuent-elles à satisfaire les besoins du territoire ?
  2. En quoi mon appareil de production peut-il servir aux acteurs locaux de mon territoire ? Puis-je le mutualiser avec d’autres acteurs ?
  3. Comment puis-je m’inscrire dans une solution intégrée répondant aux besoins vitaux de mon territoire de vie :
    • Produire et distribuer une alimentation saine
    • Recycler nos déchets et mieux y gérer le cycle de l’eau
    • Construire ou rénover des bâtiments durables
    • Produire de l’énergie renouvelable
    • Mettre à disposition des véhicules en partage
    • Proposer des services autour de la transition et de la culture

Votre territoire rural a forcément besoin de plus ou moins de production dans ces domaines d’activités. Cela veut dire que pour ces activités, vous trouverez des dons, des subventions et des capitaux patients à intérêts modérés. N’ayez aucun doute.

Pour cela, il vous faudra peut-être revoir vos ambitions à la hausse…

53e Concept      BÂTIR UN PLAN DE FINANCEMENT REPOSANT SUR UN MODÈLE D’AFFAIRES

La prochaine étape consiste à regrouper :

Une fois vos recettes et vos dépenses regroupées au niveau de votre écosystème, vous serez capables de voir si sur toute la durée de mise à disposition de votre capital, vous pourrez payer les intérêts mensuels à vos investisseurs. Une fois ces charges financières déduites, vous pourrez mesurer si vous aurez assez d’excédents pour entretenir et développer votre patrimoine, vos communs et voire financer de nouveaux écosystèmes.

Vous pouvez utiliser un ou plusieurs tableurs qui simuleront vos activités de production. Un autre tableur compilera ces activités par fonction, puis par structure et enfin un dernier simulera le résultat de toutes ces activités afin de mesurer le réalisme de votre plan de financement.

Comme vous le voyez, votre plan de financement repose sur votre modèle d’affaires ; une simulation qui montre que vos activités de production dégagent des recettes à partir desquelles vous déduirez vos charges d’exploitation et enfin vos charges financières liées à vos besoins de capitaux.

Si vous trouvez des investisseurs qui veulent que leur épargne serve la revitalisation de nos territoires de vie dans le respect des humains et de la nature, qu’ils soient prêts à vous les mettre à disposition dans les conditions que vous demandez, ces investisseurs ne pourront pas faire n’importe quoi.

Il faudra que vous leur démontriez que votre modèle d’affaires supportera a minima le paiement des intérêts liés à leur apport, mais aussi que le capital sera a minima conservé dans les délais que vous leur avez demandé et que s’ils vous le redemandent à terme, vous soyez en capacité de le leur rembourser.

Si vous ne vous sentez pas capable aujourd’hui de créer ce modèle d’affaires et ce plan de financement par vous-même, il existe des professionnels qui peuvent vous aider à les réaliser, des formations-actions qui peuvent vous aider à acquérir les compétences de base pour les réaliser par vous-même.

J’ai moi-même développé une formation sur ce sujet. Vous la trouverez sur mon site https://formation.transition.coop. Elle est bien sûr en participation libre et consciente. Vous y trouverez aussi le contact des personnes fiables et aux valeurs humanistes qui pourront vous accompagner.

54e Concept      FINANCER LES RESSOURCES MATÉRIELLES, MAIS AUSSI IMMATÉRIELLES

Ce qui m’amène à un point très important. Nous en avons déjà parlé lors de l’Étape N° 02 dans la section dédiée au Patrimoine des Communs Productifs. Mais ce point est si important que je vais ici le développer plus en profondeur. Si vous voulez vraiment créer ou rejoindre un écolieu source de revenus pour ses habitants, ses entreprises et des collectivités territoriales, ne financez pas que les ressources matérielles :

S’il vous plaît, prenez en compte le coût des ressources immatérielles :

La Confiance : prévoyez de rémunérer celles et ceux qui créent de la confiance entre les parties prenantes de votre territoire et entre vos habitants-volontaires.

La Coopération : prendre en compte les enjeux des autres dans ses propres enjeux prend du temps. Là aussi, gardez une part de vos ressources financières pour financer celles et ceux qui en porteront responsables.

La Pertinence : les effets utiles de vos solutions intégrées sur vos parties prenantes seront proportionnels au temps passé à clarifier les enjeux de chacun puis à formaliser les effets utiles répondant à ces enjeux. Là aussi il s’agit de temps passé à réaliser des expérimentations puis des retours d’expériences pour ajuster les solutions proposées. Prévoyez le financement de ce temps sur vos ressources, sans quoi votre écolieu ne sera fait que de pierre et de bois.

La Santé : nous pourrions prendre beaucoup de temps pour parler de l’effet du stress sur la santé, des dégâts causés sur la santé par le manque de confiance, de coopération et de pertinence entre les acteurs de votre projet. Là aussi, prenez du temps, donc de la ressource financière pour financer celles et ceux en charge des écoutes actives, des SCORE, de la médiation, de la résolution de conflits et de tous ces moments privilégiés que l’on dédie à préserver voire renforcer la santé physique et mentale de nos habitants-volontaires et de leurs partenaires.

La Réflexivité : une dernière ressource immatérielle à financer par vos investisseurs sera la réflexivité dans le travail ou les activités des participants à votre projet. La réflexivité est le fait de se réaliser en accomplissant une tâche. Parfois il faut du temps pour qu’une personne trouve une activité au sein de votre projet qui soit réflexive.

55e Concept      CHANGER RADICALEMENT POSTURES ET RELATIONS AVEC VOS FINANCEURS.

Je rencontre trop souvent aujourd’hui dans les milieux alternatifs un rejet de l’argent, une ostracisation des gens riches, une haine quasi viscérale des entreprises, des entrepreneurs, des investisseurs et des banquiers.

Oui c’est vrai qu’aujourd’hui certaines personnes riches, certaines entreprises, certains entrepreneurs, investisseurs, banquiers ont des comportements inadaptés qui détruisent les humains et la nature. Mais ce sont ces comportements qui sont inadaptés. Les personnes, elles, sont souvent dans des rôles qui sont eux-mêmes prisonniers de circonstances qui les dépassent largement.

Un vieux juge prenant sa retraite a dit une phrase qui m’a transformé : « Pour juger les hommes, il faut bien les connaître et, quand on les connaît, on a plus envie de les juger. ». Alors oui, nous devons condamner les comportements inadaptés de certaines personnes physiques ou morales. Nous devons même leur demander réparation, d’abord à eux, mais aussi peut-être à toute la Société. Mais s’il vous plait, pas d’amalgame, de bouc émissaire, nous savons toutes et tous où nous conduisent ces extrémismes.

À l’extrémisme je préfère la radicalité, dans le sens de racinaire, d’aller à la racine. Tous les gens pauvres ne sont pas des victimes et tous les gens riches ne sont pas des bourreaux. Ce serait tellement facile ! Mais la vie est plus compliquée et à force de regard simpliste et simplifié à l’extrême on finit par adopter des positions et des relations extrêmes au détriment de postures et de relations radicales, mais plus complexes.

Donc, si vous trouvez des financeurs qui ont compris qu’ils devaient aujourd’hui financer des activités plus respectueuses des humains et de la nature, commencez par apprendre d’eux et à reconnaître leurs enjeux. Ce sont souvent des enjeux de préservation de leur capital et de transmission de celui-ci. Ce sont aussi des enjeux de rémunération du risque. Intérêt vient étymologiquement de interest qui veut dire « ce qui diffère » dans le sens de ce qui est perdu. À l’origine les intérêts servaient à mutualiser les pertes liées aux activités marchandes comme la perte d’un bateau sur trois qui partaient chercher des épices dans des pays lointains.

Donc, prenez soin du capital que l’on vous apporte et montrez-le à vos investisseurs. Vérifiez bien que l’investisseur ne vous apporte que ce qu’il est prêt à perdre. Garantissez-lui un modèle d’affaires qui supporte les intérêts convenus ensemble et qui, dans le cas d’un écolieu, ne devrait pas dépasser 2%. Au-delà, la revitalisation de votre territoire sera compromise, en deçà, c’est le patrimoine de votre investisseur qui sera dégradé.