PARTIE II : ENTREPRENDRE AU SERVICE DES COMMUNS

Étape N° 03. Répartir au mieux la valeur créée entre producteurs

11e Concept COMBINER REVENU D’ACTIF ET REVENU PASSIF AU SERVICE DES COMMUNS

Ensemble avec les parties prenantes de votre écosystème coopératif territorial, vous êtes en situation maintenant de pouvoir progressivement produire ce dont les habitants de votre territoire ont besoin. Les revenus que vous allez recevoir en contrepartie de cette production vendue seront répartis en :

● Revenus actifs : ce sont des revenus issus de l’exploitation de votre patrimoine. Cela peut prendre la forme de la vente d’un produit (la vente d’un panier bio) ou d’un service (un repas, une formation, une animation…). Il y a une activité humaine à l’origine de cette production. Sans cette activité, pas de valeur produite donc pas de chiffre d’affaires et de revenus. Ces revenus peuvent être salariaux (salaires, primes…) ou non salariaux (honoraires, traitements, facturation…). Quand le travail s’arrête, le chiffre d’affaires s’arrête.

● Revenus passifs : ce sont des revenus issus de la location de votre patrimoine. Ce patrimoine peut prendre la forme d’un bien immobilier comme un terrain nu ; d’un bâtiment à usage professionnel ou d’habitation, d’un bien mobilier comme du matériel de production, d’un véhicule, mais aussi de biens financiers comme des actions (parts d’une entreprise), d’obligations (dettes qu’une entreprise vous doit).

Je vous invite pour mieux combiner ces revenus et les remettre au service des humains et de la nature, de relocaliser leurs activités respectives dans des structures juridiques différentes. Je les détaillerai davantage dans l’étape 12 de ce livre, mais pour l’instant retenez :

● Une Société Civile Immobilière à capital variable (SCI) pour la propriété lucrative (j’achète pour louer). Par exemple les terrains nus, les bâtiments à usage professionnel. Encaissement de loyers professionnels.

● Une Coopérative d’Habitants (CH) pour la propriété d’usage (j’achète pour user de mon bien). Par exemple les terrains et les bâtiments qui vont être habités par les coopérateurs eux-mêmes. Encaissement de loyers de particuliers.

● Une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) pour toutes les activités marchandes ou non marchandes de votre écolieu. Cela vous permet de séparer le risque économique du risque financier. Si par exemple, vous déposez le bilan de la SCIC, il n’y aura pas d’impact sur la CH et la SCI. Cela sécurisera vos investisseurs. 

12e Concept DÉVELOPPER VOTRE PATRIMOINE SANS L’ÉPUISER

Sans rentrer dans le détail pour l’instant, c’est dans ces trois structures principales que vous allez investir l’argent de votre collecte. Vous veillerez à ne pas déséquilibrer le financement de votre écosystème en répartissant en trois tiers ce financement :

● 1/3 Secteur privé : investissements privés pour financer les infrastructures « marchandes »

● 1/3 Secteur public : subventions publiques pour financer les infrastructures qui serviront à la délégation de service public et aux activités d’intérêt général

● 1/3 Société Civile : dons défiscalisés pour financer les infrastructures « non marchandes ».

Votre objectif sera de mettre en exploitation ce patrimoine créé pour produire les biens et les services que vos habitants-volontaires auront priorisé comme étant des communs. Si vous voulez aussi mettre en transition le territoire de vie, il vous faudra prévoir de vendre aux habitants extérieurs plus de 50% de votre production. En effet, si vous le faites, cela veut dire que vous êtes en train de faire entrer en transition tout le territoire. À l’inverse, si vous vendez moins à l’extérieur que vous n’achetez, cela veut dire que vous êtes dépendant de votre territoire et que c’est l’économie actuelle qui vous transforme.

Un deuxième élément fondamental c’est que vous devez rester « rentable ». Cela veut dire que vos recettes doivent être supérieures à vos dépenses. Dans le cas contraire, vous allez « rogner » votre patrimoine et ne serez bientôt plus capable de vous développer et de faire face à vos dépenses d’investissement, de maintenance ou de renouvellement de votre patrimoine. Nous y reviendrons dans la partie III de ce livre.

Un troisième élément qui constitue une innovation de rupture d’importance capitale si vous voulez changer de vie pour changer la vie, c’est qu’une part importante de vos revenus passifs (dont on a parlé plus haut) ne doivent plus remonter sur les marchés financiers, mais doivent être remis au service des humains et de la nature via le versement de revenus d’autonomie ou de transition à vos acteurs locaux.

Pour ce faire, ils seront directement prélevés sur vos excédents bruts d’exploitation, c’est-à-dire une fois payés vos achats, vos frais généraux, vos salaires et vos taxes, les revenus seront donnés à un Fonds de Dotations dont l’objet sera de les répartir à égalité entre tous les habitants de votre écolieu, de votre écosystème voire de tout votre territoire de vie si vous en avez les moyens. Là est la révolution à bâtir en synergie avec toutes celles et ceux qui ont compris qu’une autre civilisation est à construire… Ici et maintenant.

13e Concept RÉPARTIR VOTRE CHIFFRE D’AFFAIRES AVEC ÉQUITÉ

Vous avez mis en exploitation votre Patrimoine des Communs Productifs. Vous produisez pour vos habitants volontaires et pour les habitants de votre territoire de vie ce dont ils ont besoin.

Vous vendez au maximum votre production en MCL. Qu’allez-vous faire de votre chiffre d’affaires ?

● Une 1re partie va repartir de votre écosystème. C’est-à-dire dans des achats que vous ne produisez pas sur place. L’enjeu ici est de réduire au maximum les achats de biens, de services et d’investissements achetés à l’extérieur de votre écosystème. Au moins essayez de les acheter à des acteurs respectueux des humains et de la nature voire mieux dans une MCL en circulation auprès de vos fournisseurs.

● Une 2e partie va repartir sous la forme de Taxes sur la Valeur Ajoutée (TVA), d’autres taxes diverses, de cotisations sociales et d’impôt à l’État. L’enjeu ici est de négocier avec l’État, les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et de payer les dépenses fiscales et sociales au maximum en MCL pour qu’elles reviennent dans l’écosystème sous la forme de dépenses publiques relocalisées. En accord avec les collectivités territoriales, cela serait possible en fonction des dotations de fonctionnement et d’investissement que leur alloue l’État.

● Une 3e partie va revenir dans l’écosystème sous la forme de revenus actifs (revenus d’activité salariale ou non) ou passifs (loyers issus de la location de votre patrimoine), mais aussi sous la forme de revenus d’autonomie qui seront transférés sous forme de dons défiscalisés au fonds de dotation pour être reversés (après déduction de frais de gestion) à égalité entre tous les habitants de votre écolieu, de votre écosystème voire de votre territoire de vie en fonction de vos moyens financiers. Le montant et le nombre de ces revenus d’autonomie seront fonction de la capacité de production de votre territoire de vie puisqu’ils seront versés en MCL, elle-même garantie par la production locale et durable de votre territoire de vie.

Tout l’enjeu ici est de répartir le chiffre d’affaires à peu près à égalité entre :

● 1/3 Le Secteur privé : chiffre d’affaires des entreprises hors écosystème

● 1/3 Le Secteur public : les impôts, taxes et cotisations

● 1/3 La Société civile : revenus d’activité et revenus d’autonomie

Ainsi, comme pour les investissements, financés à égalité entre le secteur public, privé et la société civile, les revenus issus du travail et du patrimoine seront distribués à égalité entre eux. 

14e Concept FINANCER LES EXTERNALITÉS POSITIVES / NÉGATIVES DE VOS ENTREPRISES

Une fois reversés au secteur privé, public et à la société civile, les revenus qu’il leur revient, il vous restera de la trésorerie. Elle se compose de votre bénéfice après impôts et des provisions que vous avez mis de côté pour faire face à la dépréciation ou aux amortissements (vieillissement) de votre patrimoine.

Cet argent que vous avez en trésorerie, vous n’en aurez pas besoin immédiatement, du coup plutôt que de le laisser à disposition de votre banque, je vous invite à en placer au moins la moitié (2% d’intérêt) sous la forme de titres de participation au sein de votre Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) ou celle qui gère votre MCL. Si celle-ci est encore sous la forme d’association à but non lucratif, invitez-là à se métamorphoser en SCIC.

Créée sous forme de Société Anonyme, elle pourra émettre des titres de participation avec un remboursement sur du long terme. Avec l’argent récolté par la vente de ces titres, elle pourra investir dans le capital des entreprises locales et les libérera de leur dépendance aux marchés financiers. Pourquoi ?

Parce qu’aujourd’hui nos entreprises locales sont sous-capitalisées. Leur financement se fait par du crédit ou du prêt. Le problème c’est que cela rend dépendantes les entreprises locales des banques et fragilise leur autofinancement. Pourquoi ?

Parce que quand vous remboursez un prêt ou un crédit, vous devez rembourser le capital emprunté et l’intérêt payé pour la location de ce capital tous les mois ce qui revient à extraire une part de la valeur ajoutée de l’entreprise débitrice qui ne pourra utiliser cette valeur ajoutée pour créer des revenus, investir, améliorer les conditions de production, se constituer une capacité d’autofinancement suffisante. Elle sera toujours dépendante de son créditeur.

Cela est d’autant plus vrai si les coûts de sa production prennent en compte les externalités négatives (ex. pollution, épuisement des ressources, maladies professionnelles…) et positives (ex. réflexivité dans le travail, santé, pertinence, coopération …). Ces coûts auraient pu être pris en charge par cette valeur ajoutée qui a été transférée au créancier de l’entreprise.

Par conséquent, le seul moyen pour l’entreprise sera d’augmenter ses prix, (hausse qui qui ne pourra peut-être pas être prise en charge par ses clients), elle risque de perdre des marchés voire reporter la prise en compte de ces externalités au détriment des humains et de la nature.

Investir directement et à long terme au capital des entreprises de l’écosystème revient à alléger leurs charges financières, augmenter leur capacité d’autofinancement et donc les aider à atteindre puis dépasser leur seuil de rentabilité dans le respect des humains et de la nature.

15e Concept RENFORCER ET ESSAIMER VOTRE ÉCOSYSTÈME COOPÉRATIF TERRITORIAL

Tant que votre capacité de production locale et durable n’est pas en mesure de satisfaire les besoins fondamentaux de vos habitants-volontaires, continuer à investir dans les entreprises locales.

Quand cette capacité de production est atteinte et que les entreprises, les particuliers, les collectivités territoriales ont retrouvé leur capacité d’autofinancement et que les habitants-volontaires ont un revenu d’autonomie suffisant pour choisir leurs activités sans que les communs en soient affectés, il sera temps d’essaimer votre écosystème coopératif territorial.

Pour ce faire, au lieu de verser plus de revenus d’autonomie à votre écosystème ou bien d’investir votre épargne dans ses entreprises locales, vous pourrez orienter vos ressources vers de nouveaux écolieux à financer ou de nouveaux territoires de vie.

L’idéal serait de prévoir sur votre écolieu un Centre d’Écoconstruction, de Ressources et de Formation (CERF) qui aurait comme fonction de former sur un temps long (six mois) des groupes d’acteurs locaux voulant construire de nouveaux écosystèmes coopératifs territoriaux sur leurs communes classées en Zone de Revitalisation Rurale.

Si votre formation est inscrite à DATADOCK (base nationale des formations finançables par l’Etat et les organisations professionnelles de la formation), et dispose d’une certification QUALIOPI, elle sera finançable par Pôle Emploi.

Ainsi, les citoyens en transition pourraient, avec l’accord de leur employeur, faire une rupture conventionnelle, s’inscrire dans cette formation longue dans le cadre d’une reconversion professionnelle.

Ils seraient donc rémunérés par pôle emploi et leur formation sera prise en charge.

Durant ces six mois, ils pourraient, avec leur groupe fondateur, suivre votre formation, vivre sur votre écolieu, constituer un dossier d’écolieu facteur de revenus pour ses habitants, le présenter à une commune, faire découvrir à leurs élus votre écolieu et repartir avec un projet viable disposant en plus d’un premier financement déjà acquis par votre fonds de dotation (revenus d’autonomie) et votre SCIC (titres de participation).

Cela mettrait un formidable booster à la transition. Non ?